Journée mondiale de la douleur : comprendre et mieux prendre en charge la douleur aux Hôpitaux Iris Sud

Publié le Mardi 14 octobre 2025

À l’occasion de la Journée mondiale contre la douleur, les Drs Olivia Nzungu, Stefano Doria et Haresh Naik, anesthésistes et spécialistes de l’algologie, nous expliquent comment la douleur est prise en charge au sein des Hôpitaux Iris Sud.

« Il faut savoir supporter la douleur » : vrai ou faux ?

Dr Nzungu :
"Faux. La douleur est un signal qu’il faut écouter et comprendre. La supporter sans la prendre en charge peut provoquer de la souffrance et avoir des impacts sur la santé mentale."

Dr Naik :
"Exactement. La douleur n’a pas vocation à être “supportée”. Lorsqu’elle s’installe, elle épuise et freine la récupération. Chercher à la soulager n’est pas un signe de faiblesse, mais une démarche de soin."

Dr Doria :
"En somme, la douleur est comme un voyant rouge : elle avertit d’un danger. Même si ce danger n’est pas vital, la douleur indique que quelque chose ne va pas. Si vous ressentez de la douleur, que ce soit à cause d’une maladie ou d’une autre affection, écoutez votre corps et consultez un professionnel de santé."

Quelle est la différence essentielle entre douleur aiguë et douleur chronique ?

Dr Nzungu :
"La douleur aiguë est vitale pour la survie de l’organisme : elle protège le corps en cas de menace. La douleur chronique n’a plus cette fonction et constitue une maladie à part entière."

Dr Naik :
"En effet, la douleur aiguë est comme une alarme incendie : elle se déclenche après une blessure, une opération ou une infection et disparaît avec la cause. La douleur chronique, elle, dure plus de trois mois et peut affecter le sommeil, l’humeur et les relations."

Dr Doria :
"Pour illustrer cette différence : Albert souffre depuis hier d’une cholécystite ; sa douleur disparaît après traitement : c’est aiguë. Bernard souffre depuis des mois sans cause détectable : le traitement de sa douleur devient plus complexe et nécessite une équipe multidisciplinaire."

Quelles idées reçues sur les antidouleurs aimeriez-vous corriger ?

Dr Nzungu :
"On pense souvent qu’il vaut mieux supporter la douleur par crainte de dépendance (dans le cadre des opioïdes) ou d’effets secondaires. La prise d'antidouleur, quand elle est indiquée et en suivant une posologie adaptée à chaque situation, améliore la convalescence et la récupération après une opération ou une blessure. À l’inverse, une prise en charge insuffisante de la douleur peut entraîner des complications fonctionnelles (ankylose, immobilisation prolongée) et psychologiques (anxiété, peur du mouvement), voire mener à une chronicisation de la douleur."

Dr Naik :
"Effectivement, beaucoup craignent la dépendance alors que, si les médicaments sont adaptés et suivis, le risque est faible. Par ailleurs, il ne faut pas croire qu’un antidouleur suffit : la douleur chronique nécessite souvent une approche globale, qui comprend de la kiné, des techniques interventionnelles, un soutien psychologique, de la relaxation, du yoga, de l’hypnose…"

Dr Doria :
"Beaucoup pensent aussi que “plus on prend d’antidouleurs, moins on a mal”. Or, les morphiniques puissants peuvent être nécessaires après une chirurgie pendant quelques jours, mais sur le long terme, ils peuvent devenir délétères et perdre leur efficacité. Ils doivent être utilisés sous stricte surveillance médicale."

Après une opération, la douleur est-elle normale ?

Dr Nzungu :
"En effet, la douleur postopératoire est une réponse physiologique à l’incision et évolue avec le processus inflammatoire et de guérison. Elle doit toujours être anticipée et contrôlée."

Dr Doria :
"C’est pourquoi, pour toutes les chirurgies, nous utilisons des techniques d’anesthésie et des médicaments pour rendre le patient le plus confortable possible. Une douleur de 4 sur 10 ou plus est considérée excessive et doit être traitée."

Dr Naik :
"Oui, une certaine douleur est normale. Mais normal ne veut pas dire acceptable. Il faut l’anticiper, la traiter et ne jamais la banaliser. Une douleur non contrôlée entraîne stress, cicatrisation ralentie et risque de chronicisation."

Peut-on vraiment supprimer toute douleur ?

Dr Doria :
"Pour certaines chirurgies et sur de courtes périodes, il est possible de supprimer complètement la douleur grâce à une anesthésie locorégionale. Ensuite, un traitement antidouleur oral ou par perfusion prend le relais pour prévenir le retour de la douleur."

Dr Nzungu :
"Cependant, après une opération, l’objectif n’est pas nécessairement de faire disparaître toute douleur, mais bien d’atteindre un niveau de confort acceptable permettant au patient de se mobiliser et de récupérer dans de bonnes conditions."

Dr Naik :
"En effet, qu’il s’agisse d’une douleur chronique ou postopératoire, il n’est pas toujours possible de la supprimer totalement. En revanche, nous pouvons la réduire suffisamment pour que le patient puisse respirer, marcher, dormir et retrouver confiance. L’objectif n’est donc pas forcément le “zéro douleur”, mais de vivre mieux malgré elle."

Comment accompagnez-vous les patients avant et après une chirurgie ?

Dr Nzungu :
"Avant l’intervention, nous identifions les patients qui risquent d’avoir mal. Des traitements préventifs leur sont alors donnés pour limiter la douleur pendant et après la chirurgie. L’analgésie est ensuite ajustée en postopératoire selon l’évolution du patient."

Dr Naik :
"Tout commence avant le bloc opératoire : écouter le patient, répondre à ses questions et expliquer ce qui va se passer. Comme le souligne le Dr Nzungu, cette étape préopératoire est essentielle pour réduire l’anxiété… et donc la douleur. Après l’intervention, nous ajustons les traitements et accompagnons la personne dans sa globalité, pas seulement ses symptômes."

Dr Doria :
"Nous partageons tous cette approche : identifier les patients et les chirurgies à risque, mettre en place des stratégies adaptées – anesthésie locorégionale, médicaments – et profiter des consultations préopératoires pour répondre aux questions et réduire les craintes. Ensuite, comme le rappelle le Dr Naik, après la chirurgie, nous restons en contact avec le personnel infirmier et les chirurgiens pour ajuster la prise en charge si nécessaire."

Quel message souhaitez-vous transmettre pour la Journée mondiale contre la douleur ?

Dr Nzungu :
"La douleur chronique touche environ 1 Belge sur 4. Souvent invisible, elle peut être vécue comme un fardeau et atteint rapidement toutes les sphères de la vie, allant jusqu’à des absences prolongées au travail ou à l’isolement social. Il est donc essentiel de sensibiliser les patients et le grand public pour améliorer la prise en charge et la qualité de vie des personnes concernées."

Dr Doria :
"Pour les patients qui souffrent depuis longtemps : ce n’est pas une fatalité. Même après de nombreux essais et consultations, consulter un algologue peut aider à dépasser les limites imposées par votre douleur."

Dr Naik :
"Exact. La douleur n’est pas “dans la tête”. Elle est réelle et concerne le corps, l’esprit et l’environnement. La reconnaître permet de demander de l’aide et de sortir de la culpabilité. La douleur ne doit jamais être vécue comme inévitable. La recherche progresse, les outils se multiplient. Ne restez pas seuls : parlez-en et demandez du soutien."

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