Pornographie omniprésente, tabous persistants, plaisir féminin encore invisible : pour Émilie Peetrons, psychologue et sexologue aux Hôpitaux Iris Sud, il est urgent de bousculer les idées reçues. “La sexualité fait partie de la santé. Ne pas en parler, c’est laisser les jeunes seuls face à la pornographie, les femmes privées de leur droit au plaisir… et les hommes enfermés dans des stéréotypes de performance », prévient-elle.”
À l’occasion de la Journée mondiale de la santé sexuelle, nous l’avons rencontré et lui avons posé quelques questions.
La santé sexuelle, bien plus que le sexe
« La santé sexuelle ne se résume pas aux rapports sexuels ou à l’absence de maladie », rappelle-t-elle. « Elle englobe le bien-être physique, émotionnel, mental et social en lien avec la sexualité : respect, consentement, désir, plaisir, identité, prévention et accès à des soins adaptés. »
Cette approche, définie par l’Organisation mondiale de la santé, fait de la sexualité un pilier de la santé publique. Lorsqu’elle est négligée ou taboue, elle peut avoir des conséquences lourdes : isolement, souffrance psychique, violences sexuelles non prises en charge.
Les jeunes au premier plan
Cheval de bataille d’Émilie Peetrons : la prévention auprès des jeunes.
Aujourd’hui, un enfant sur trois de moins de 12 ans a déjà été exposé à des images pornographiques. « Même si les jeunes savent que ce n’est pas la réalité, leur cerveau enregistre inconsciemment ces pratiques et elles influencent leur vision de la sexualité, ils vont chercher à reproduire ce qu’ils voient », explique-t-elle. Résultat : « une vision déformée, des scènes violentes, déshumanisantes, centrées sur la performance, la domination, où le consentement est souvent flou ou inexistant. »
Il est donc essentiel de briser le silence et d’accompagner les jeunes dans la découverte d’une sexualité respectueuse et épanouie. « On peut commencer très tôt, en parlant du respect du corps, des émotions, de l’amour et des relations humaines. Cela leur donne des repères solides et les protège mieux contre les violences sexuelles », insiste-t-elle.
Il est également essentiel de rappeler qu’une éducation à la sexualité bien menée permet de prévenir les abus sexuels. C’est un sujet douloureux mais incontournable : les violences sexuelles restent un fléau dans notre société. Bien que le mouvement #MeToo ait permis de libérer la parole, de nombreux enfants et jeunes adultes restent victimes. Éduquer, c’est leur donner les outils pour repérer ces violences, y faire face et s’exprimer librement.
Émilie Peetrons conseille aussi aux parents de s’appuyer sur des supports adaptés, comme l’ouvrage de G. Brassine Prévenir, détecter et gérer les abus sexuels subis par les enfants. Ce livre propose une approche saine et proactive pour parler de sexualité aux enfants, et comment prévenir, reconnaître et traiter les abus. Un guide précieux pour aider les enfants à se protéger et à grandir en sécurité.
Redonner sa place au plaisir, surtout féminin
Autre sujet central : le plaisir, trop souvent absent des discussions sur la santé sexuelle, surtout lorsqu’il s’agit des femmes.
« Le clitoris, organe uniquement dédié au plaisir féminin, a été effacé des manuels d’anatomie pendant des siècles. Ce n’est qu’en 2017 qu’il est réapparu dans un schéma scientifiquement correct ! », rappelle-t-elle.
Aujourd’hui encore, une femme sur trois ne connaît pas l’orgasme. Une réalité qui illustre la persistance du tabou autour de la jouissance féminine.
« Parler du plaisir féminin, c’est sortir d’une vision centrée sur la pénétration et sur le désir masculin. C’est donner aux femmes la possibilité de mieux comprendre leur corps, de s’autoriser à explorer et d’améliorer leur qualité de vie sexuelle », affirme-t-elle.
Oser en parler, consulter si besoin
« La sexualité fait partie intégrante de notre santé et de notre humanité. Elle mérite d’être abordée sans jugement », conclut Émilie Peetrons.
Si parler de ces sujets reste difficile, un accompagnement professionnel peut aider.
Pour trouver un·e sexologue certifié·e, vous pouvez consulter le site de la Société des Sexologues Universitaires de Belgique : www.ssub.be.